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Quelle conception pour un bateau à voile et propulsion musculaire ?

Par Frédéric Jouffroy

20 septembre 2020

Attention, avis d'expert !

Frédéric Jouffroy, concepteur de Windyak et vainqueur incontesté de l'édition 2020 nous livre ses réflexions sur le meilleur bateau pour relever le défi d'une navigation en eaux intérieures et au large, sans moteur.

Dans une compétition à la voile et à la propulsion musculaire, comment obtenir la vitesse moyenne la plus élevée qui permettra au final de l’emporter ?

Il est essentiel de pouvoir toujours avancer correctement, y compris en l’absence de vent. La puissance mécanique humaine (force musculaire) étant limitée (une personne bien entraînée peut fournir 150W -soit 0,2 cheval vapeur- pendant quelques heures...), la réduction de la résistance à l’avancement est l’objectif premier à atteindre, pour aller vite dans ces conditions.

D’où l’intérêt des coques fines, pour réduire la surface mouillée mais aussi la surface développée donc la masse. La pirogue originelle en quelque sorte… Mais la faible stabilité transversale de ces embarcations interdit toute puissance vélique propulsive dès que l’on s’éloigne du vent arrière. La solution est alors d’accrocher un flotteur au bout d’un balancier pour retrouver la stabilité nécessaire afin de pouvoir porter de la toile et obtenir une embarcation qui avance bien à la voile. Les polynésiens avaient tout compris …

Attention cependant à ne pas partir dans la spirale de la puissance qui va augmenter les masses donc la résistance à l’avancement. Sauf à embarquer un équipage pléthorique, la limite maximale de déplacement pouvant être déplacé à une vitesse intéressante par la force musculaire (par une personne seule) est de l’ordre de 1 tonne. Le trimaran Nada (plan Newick de 8 mètres, 2ème au classement général et vainqueur l’an dernier) répond à ces critères, et a montré lors de la première étape (remontée du Blavet) de bonnes performances contre un vent léger, avec un ou deux godilleurs aidant le bateau à faire du cap et de la vitesse.

Dans ces mêmes conditions, le vainqueur, Windyak, trimaran/kayak de 5,9m et 80 kg lège, avec un seul bras de liaison et des flotteurs très courts (1,56m) avait affalé son gréement pour supprimer une bonne part de la traînée aérodynamique, plus importante en altitude. Avec 2 pagayeurs, il remontait en ligne droite contre le vent, avec un VMG supérieur. Le bateau, très léger, a montré aussi de bonnes capacités au portant lors des 2ème et 4ème étapes, malgré une surface de voile plus faible que ses concurrents (9m2 de GV+10m2 de spi), restant facilement gérable en toutes situations.


Le point faible du bateau, au vu des conditions rencontrées, apparaît être le près et le travers dans le vent médium (début de la 3ème étape, remontée vers Port-Blanc) où le gréement peu élancé (pour pouvoir le dresser et l’affaler facilement en cours de navigation), et la surface limitée ne procurent pas (par comparaison aux purs voiliers) une puissance suffisante, même avec l’aide de la pagaie. La baisse du vent ensuite dans la journée a néanmoins permis de revenir sur les premiers. Le bateau a toujours pris des bons départs, aidé par le moteur ‘pagaie’, lui permettant de se positionner au mètre près et d’accélérer au coup de canon.

La capacité à bien exploiter la puissance musculaire est aussi un facteur important de la performance. Un bateau conçu dans ce but, avec une ergonomie optimale, possède un avantage indéniable par rapport à la simple utilisation de pagaies et d’avirons, dans des positions peu adaptées, qui ne permettent pas de générer une poussée maximale ni de bien la transmettre au bateau. A cet égard, le Liteboat XP, 2ème de l’édition 2019, est le bon exemple de bateau voile-aviron moderne efficace : Il est léger -180kg-, les portants d’aviron sont intégrés au livet, et il intègre un banc de nage, pour reproduire la cinématique de mouvement des bateaux de compétition en rivière.